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La Corée en partage



Texte de présentation écrit à l'occasion de la rencontre organisée entre Jung Young-moon et Oscar Coop-Phane, au musée national des arts asiatiques - Guimet (MNAAG), le 22 avril 2017.


En invitant le jeune romancier français Oscar Coop-Phane à rencontrer l’écrivain coréen Jung Young-moon, le musée national des arts asiatiques – Guimet fait le pari de l’alchimie. A priori, aucun lien entre le récit d’une séquestration italienne passée à la moulinette par une multitude de personnages et les divagations et fantasmagories obsessionnelles d’un écrivain coréen qui s’ennuie ferme quelque part sur la côte ouest américaine. Mais quand les livres sont grands, ils sont capables de tout. Ils sont capables de se parler, de créer des échos – comme des galets d’enfants lancés sur une eau qui dort. C’est alors que la surface peut frémir, avant de dessiner des cercles qui apprendront doucement à s’écouter et à se répondre. Imaginons un instant ce que les cercles d’Oscar Coop-Phane et de Jung Young-moon pourraient se dire, se raconter. Imaginons-les face-à-face contents de se rencontrer à la faveur d’un bruissement. Ils pourraient d’abord se parler de solitude(s). De celle imposée par une mise au banc et de celle de l’exil géographique. Les cercles d’Oscar Coop-Phane raconteraient comment on se sent affreusement seul quand un piège se referme sur nous ; et ceux de Jung Young-moon répliqueraient qu’il n’y a rien de plus étrange que la bizarre similitude entre la solitude du bout du monde et celle que l’on peut connaître chez soi. Les modalités de vie sont les mêmes partout. L’horizon et les changements de paysage sont une chimère. C’est l’enfermement qui l’emporte. Que les corps soient empêchés physiquement, ou que les esprits soient esclaves d’un imaginaire tyrannique, l’enfermement pourrait bien être la clé de cette rencontre circulaire. Oscar Coop-Phane raconte une claustration en forme d’agonie. Son baron Stefano est destiné à regarder la mort en face un long moment avant qu’elle ne le traverse. Il ne mord pas la poussière : il la mâche, dans ce grand palace de Palerme devenu sa prison. Jung Young-moon, lui, raconte l’obsession, ou une auto-séquestration provoquée par ses pensées en rafale. L’impossibilité de sortir de sa propre tête. Ça travaille, tout le temps, et en toute occasion. Un rien peut emballer sa machine et l’empêcher de dormir. Deux textes, en somme, sur l’absence de quiétude et sur le tumulte intérieur. Deux livres pour dire ce qui se trame quand on ne peut pas fausser compagnie à ce qui torture et à ce qui tient éveillé – une douce et universelle intranquillité.

Bibliographie

Un Monde dénaturé, de Jung Young-moon (2017)

Mâcher la poussière, d'Oscar Coop-Phane (2017)


Illustration

Les Sept étoiles (détail), Corée, dynastie Choson (1392-1910), 19e siècle. Encre colorée et peinture sur papier. MNAAG, Mission Varat, 1888.



Copyright © 2017 Justine Gossart, tous droits réservés.

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