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Mal et diction III




Dernière chronique avant l’été, composée des expressions tordues entendues au fil de l’année écoulée… Qu’on nous pardonne que le cru 2024 ne soit pas gai… Il s’est dessiné ainsi, au fil de mots devenus parfaitement braques :

 

Il a déconné, Manu : il a disparu de la surface un moment. On a d'abord cru qu'on l'avait blessé pour mort. Mais non... Quatre pieds sous terre, comme ça, sans prévenir. C'était l'âge où on a vingt ans, l’âge le plus volupteux. Il me prêtait souvent main quand j’avais une galère. Il pouvait aussi passer des heures sur le bas de ma porte, en silence, certains soirs, à fumer des joints tout seul. Il montait aussi souvent sur ses chevaux pour pas grand-chose : on ne pouvait rien lui dire ! Mais je connaissais bien son paternel et les chats font pas des rats… C’était d’ailleurs la pupille de ses yeux au pauvre vieux… Impossible de le réconforter après le drame… Mais ça ne pouvait que se finir comme ça… Il voulait toujours aller plus vite que la machine et pensait que la victoire était toujours au bout de la main. On est bien plus conscience de la vie après des choses pareilles ! L’important n’est pas d’être dans les sunlights…

 

Je commence peu à petit par comprendre que ceux qui tombent pauvres n’ont vraiment pas de chance. La société tire une croix dessus. Manu n’a pas tapé le fer tant qu’il était chaud et toute cette histoire était cousue de fil rouge depuis le début… même si j’y crois pas mes oreilles… Il a jamais pu vraiment lâcher son sac et c’est pour ça qu’il est tombé sous dépression. Il paraît que chacun voit midi à 14h… Il était trop blessé dans son for interne pour continuer à faire semblant et il avait trop le nez dans le guidon. Ça me tenait au cœur de l’aider mais j’ai fini par baisser l’échine parce que je savais que la balle était dans son coin. C’était pas la peine de jeter de l’alcool sur le feu. La mayonnaise était déjà en train de trancher de toute façon… La goutte d’eau a débordé du vase. Mais c’est pas faute d’avoir fait de mes pieds et de mes mains pour le convaincre de se reprendre ! C’était pas un enfant de bas âge, bordel ! Voilà la version dont ça s’est procédé : il a fini par laisser tomber après avoir exacerbé tous ses amis, les uns après les autres. J’ai souvent eu envie de lui retourner la pareille quand il me mettait sur le bord de touche. Ça aurait été juste un retour des choses… Et je te jure, pourtant, quand je le voyais débouler avec ses baskets blancs en haut de ma rue, mon cœur battait la chavade à chaque fois ! Mais il a foulé au sol notre complicité en me faussant compagnie et maintenant j’inspire à aller mieux.  




Illustration

Le Suicidé, d'Édouard Manet (1880)




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